Apprendre à Désapprendre

 

 

Une croyance est un fait, un système de pensées, une réalité que l'on considère à titre personnel parfaitement indiscutable et/ou immuable. Mais si cette réalité que nous percevons est tellement irréfutable alors pourquoi notre voisin refuse-t-il de voir la même chose que nous? C'est forcement de la mauvaise foi ou, plus probablement de la bêtise...Non?

 

L'explication est un peu plus subtile: il n'y a pas UNE réalité, mais un grand nombre de réalités. Autant qu'il y a d'individus sensibles. Même votre chat vit dans sa propre réalité! Ou encore cet arbre dans votre jardin. Ces réalités se côtoient, se mélangent, s'interpénètrent et s'entre-choquent de manière constante. Et c'est cet immense melting-pot de réalités coexistantes qui crée le monde dans lequel nous baignons quotidiennement, et qui parfois nous agresse ou nous submerge.

 

Mais qui se sent agressé ou incompris par ce monde extérieur? C'est moins nous en tant qu'individu que notre mental et son système de croyance. En refusant de remettre en cause ce que nous croyons absolument réel et indiscutable, nous entrons plus ou moins consciemment en conflit avec ces autres réalités qui ne cadrent pas avec la nôtre. De ce combat incessant finit par naître ce sentiment d’agression, d'incompréhension et parfois même de souffrance.

 

Et si nous cessions de considérer notre réalité, nos croyances, comme un système immuable, comme un ensemble de vérités indiscutables? Regardons autour de nous: rien ne dure éternellement. Les apparences ont beau être trompeuses, absolument tout est en constante transformation, adaptation, mutation. Tout évolue. Notre corps n'est plus celui que nous avions il y a à peine 2 ans, quant à la Terre, elle est aujourd'hui bien différente de ce qu'elle était il y a 100 millions d'années...

 

A l'image de la matière qui nous entoure et nous compose, nos pensées, nos certitudes et nos croyances ont besoin de régulièrement se transformer, d'évoluer ou de disparaître pour renaître sous une forme plus adaptée à ce que nous sommes à cet instant T. En nous offrant ce lâcher-prise permanent, nous renonçons à cette rigidité, à ces frictions incessantes qui nous exposent souvent à l'incompréhension, à la méfiance et au rejet de l'autre.

 

 

"On ne peut pas remplir un verre qui est déjà plein."

 

 

Ce dicton bien connu recèle plus de sagesse qu'il ne parait et illustre parfaitement la nécessité d'assouplir nos systèmes de croyances. Alors que faut-il faire pour se débarrasser de nos pensées sclérosées, de nos croyances limitatives?

 

Il faut tout simplement apprendre à désapprendre.

 

 

 

 

Prenons un peu de recul: tout est fait dans nos vies pour que nous adoptions un système de pensée existant, des croyances héritées, et par conséquent une réalité que l'on pourrait qualifier de "pré-mâchée". Le jour même de notre naissance, nous sommes d'emblée assujettis à une vision du monde, à un point de vue particulier et restrictif.

 

Que cela soit par le milieu culturel dans lequel nous naissons, la position sociale des parents, leur niveau d'éducation, leurs croyances religieuses, ou encore les certitudes scientifiques pré-dominantes, un nouveau-né adopte de facto une réalité, un ensemble de croyances pré-établies qui constituera par la suite les fondations de sa perception du monde.

 

Les adultes et adolescents ne sont bien entendus pas épargnés par les influences extérieures en se nourrissant quotidiennement de contenus médiatiques omniprésents sur la multitude de supports à leur disposition. Ce flot d'informations en continu vient consolider une vision de la réalité souvent étriquée, et conforte le spectateur dans certaines de ses certitudes, rendant d'autant plus difficile toute volonté de remise en question à quel niveau que ce soit.

 

Pour autant, chacun naît avec un libre-arbitre, c'est ce qui donne d'ailleurs à l'expérience humaine toute sa richesse et son intérêt. Alors en évoluant, nous ressentons parfois le besoin, pour des raisons diverses et variées, de nous détacher de ses acquis familiaux et culturels, de nous dés-identifier de cet héritage, et de suivre notre propre chemin.

 

Pour ce faire, nous nous posons des questions, nous étudions, nous lisons des livres et cherchons de nouveaux mentors...Et sans même nous en rendre compte, nous remplaçons un système de croyance hérité à la naissance par un autre système tout aussi pré-mâché que celui que nous souhaitions remplacer! Pire encore, le fait d'être allé chercher nous-même à l'extérieur cette nouvelle conception de la réalité nous donne ce sentiment illusoire d'accomplissement et de renouement avec Soi.

 

Mais qu'a donc à voir le Soi avec des croyances et des pensées qui proviennent d'une multitudes de sources extérieures? Que fait-on de nos capacités innées à créer?

 

Le dés-apprentissage ne signifie donc pas simplement remplacer une certitude acquise préalablement par une autre certitude, elle aussi acquise, mais en de nouvelles circonstances. En agissant comme cela, nous ne faisons que transformer un ensemble de certitudes immuables en un nouvel ensemble, tout aussi immuable et sclérosé.

 

Vous vous rappelez de ce sentiment d'incompréhension lorsqu'un système de pensée vient s'opposer au nôtre? Et bien nous y resterons exposés, malgré notre volonté initiale d'ouverture d'esprit et de nouveaux horizons...

 

Désapprendre, c'est d'abord accepter de ne plus avoir de certitudes. Par définition, une certitude implique une absence de mouvement, un refus d'adaptation, un rejet de la transformation. Or, mouvement, adaptation et transformation sont exactement les ingrédients dont nous avons besoin pour mettre en place notre nouvelle perception de la réalité! Gardons à l'esprit ce verre qui est trop plein: chaque refus du changement, chaque porte fermée à la nouveauté est comme un robinet qui vient remplir ce verre que nous cherchons désespérément à vider.

 

Désapprendre, c'est savoir lâcher-prise sur ce que l'on croit être la Vérité. Pour autant, peut-on réellement vivre sans aucune certitude? Doit-on vraiment passer sa vie sans croire en quelque-chose, sans compréhension personnelle de ce qu'est notre réalité?

 

La réponse est évidente: nous avons besoin de croire!

 

 

 

 

Le dés-apprentissage n'est qu'une phase, nécessaire mais temporaire. Tout comme le moteur de notre voiture a besoin d'huile pour fonctionner correctement, nous avons aussi besoin de croyances pour avancer et évoluer. Désapprendre, c'est faire la vidange du moteur de notre voiture: on enlève ce qui est usé, on retire les impuretés et on remplace le tout par du nouveau matériel, propre et neuf!

 

Cette image illustre aussi le fait que le dés-apprentissage ne doit pas avoir lieu qu'une seule fois dans une vie, mais très régulièrement, et autant de fois que nécessaire, pour nous permettre d'avoir toujours un œil neuf sur tout ce qui nous entoure, et surtout d'être constamment ouvert aux changements et aux nouvelles compréhensions.

 

En agissant de la sorte, nous nous ouvrons aux besoins de mouvements, d'adaptation et de transformations qui définissent les principes de la matière et de la Vie. Et au passage nous redonnons à ce fameux verre d'eau sa vocation première: se remplir, se vider, puis de nouveau se remplir pour pouvoir se vider encore une fois...Dans un cycle vertueux et continu, telle la Nature au fil des saisons.

 

Mais concrètement, comment faire pour désapprendre? Si cela était aussi simple, tout le monde le ferait naturellement. Et effectivement, le dés-apprentissage demande initialement un effort personnel conséquent, une volonté constante et quelques points clés absolument essentiels:

 

1/ Apprendre à mieux se connaître et suivre son cœur.

 

Désapprendre demande à faire le tri entre ce qui vient du plus profond de notre être, et ce qui nous a été inculqué plus ou moins directement. Se débarrasser de nos croyances limitantes n'implique pas forcement de renier ce que nous sommes en tant qu'humain. Si par exemple vous êtes depuis très jeune attiré et passionné par le dessin, il n'y a aucune raison de renier le fait que vous avez besoin de dessiner pour établir un certain équilibre intérieur. D'une manière générale, ce tri est très simple à faire: si quelque-chose vous procure une joie profonde et quasi inexplicable, alors cela fait partie de vous et il est absolument hors de question de vouloir remettre en cause cela.

 

2/ Arrêter de chercher à avoir raison et développer l'écoute.

 

Accepter le point de vue des autres sans chercher à imposer le vôtre d'une manière ou d'une autre. Prenez la différence de l'autre comme un cadeau, et non comme un affront. Cette différence de point de vue est là pour vous nourrir, vous enrichir et vous aider dans votre démarche d'ouverture et de transformation permanente. Sans ces différences, il n'y aurait qu'une pensée unique, une réalité immuable et froide, en total désaccord avec la perfection de la Vie et sa constante évolution. Écouter l'autre ne signifie pas se plier à sa vision des choses, c'est simplement l’autoriser lui aussi à exprimer sa réalité, sa vérité à l'instant T, tout comme il vous est parfois nécessaire d'exprimer la vôtre.

 

3/ Se défaire du regard des autres et tracer sa propre voie.

 

Se détacher d'un système de pensée implique parfois de s'éloigner de ce que certains considèrent comme raisonnable ou allant de soi. Peu importe, vos êtres chers ne vous renieront jamais pour un différent de point de vue. Après l'effet de surprise, les liens d'Amour ou d'Amitié seront toujours aussi forts, et si ces liens ne tiennent pas alors c'est que ces relations n'étaient pas aussi profondes qu'elles ne paraissaient. Désapprendre demande aussi de se détacher du superficiel!

 

4/ Être curieux et avoir confiance en Soi.

 

Ne fermez aucune porte et suivez votre intuition! Nous avons vu qu'il ne faut pas intégrer systématiquement les pensées des autres, mais pour autant, il est toujours bénéfique d'écouter l'autre, de s'intéresser à son cheminement et parfois de s'inspirer de ces compréhensions extérieures pour tracer votre propre voie et vous aider à évacuer certaines pensées limitantes. Sans cela, à quoi servirait-il d'écrire cet article si sa conclusion était de rejeter sans réfléchir ce qui ne vient pas de vous et de vous seul? Vous saisissez le paradoxe?

 

 

Rappelez-vous: la Liberté c'est de ne laisser penser personne à votre place!

 

 

 

                                                           Par Frédéric Torregrossa

 

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